"Qui ne connaît pas les Quatre filles du Docteur March ? Pour autant, sachez-le, je n'ai jamais eu envie de le lire. J'ai vu le film avec Winona Rider plus jeune, je regardais également l'animé japonais enfant et j'ai toujours été très contrariée par la tournure que prenait l'histoire. Mais je suis faible devant la beauté de l'objet et je voulais avoir la collection complète Puffin in Bloom illustrée par Anna Bond. Dès lors qu'il a rejoint ma bibliothèque, il m'a paru évident que c'était l'occasion ou jamais de le lire."
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Dites-nous en un peu plus sur son histoire...
"Meg, Beth, Jo et Amy sont les quatre filles de Mr and Mrs March. Aux États-Unis, en pleine guerre de Sécession, nous allons suivre les aventures de leur enfance et de leur adolescence pour le premier volume et de leur entrée dans la vie d'adulte pour ce qui est du second."
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Mais que s'est-il exactement passé entre vous ?
"J'appréhende un peu d'écrire cette chronique... La version courte, c'est que ça a été une torture pour moi de terminer cet énorme pavé. La version longue maintenant...
J'ai bien aimé le premier volume même si je l'aurais sûrement apprécié plus étant enfant. J'aurais également préféré ne pas connaître l'histoire du tout parce que ce que j'appréhendais de voir arriver m'a un peu gâchée ma lecture mais dans l'ensemble, c'est plaisant. Dans les points positifs, je retiens la plume de Louisa May Alcott bien sûr, les relations si bien dépeintes entre soeurs, l'entraide, l'amour, les disputes aussi et, évidemment, le personnage de Jo qui est sans conteste la grande réussite de ce roman. J'ai quand même été étonnée de le trouver si axée sur l'importance d'être une 'bonne petite femme', bien sage, et bien à sa place, de la part d'une autrice qui était pourtant elle-même féministe. Quoi qu'il en soit, j'étais satisfaite par la façon dont tout cela se terminait, sur ce qui signe la fin de leur enfance et de grands changements à venir et j'aurais vraiment aimé qu'elle s'en tienne là.
Malheureusement, vient alors le second volume et c'est là que je me dois de vous donner quelques éléments de contexte. Ces livres étaient des commandes. La suite a été écrite à la demande de l'éditeur face à l'insistance des jeunes lectrices de savoir avec qui se mariaient chacune des filles March. Savoir que c'était la seule chose qui intéressait son lectorat a beaucoup contrarié l'autrice et je crois sincèrement qu'elle a volontairement saccagé la suite de son histoire pour nous punir mais bien sûr, ce n'est que mon avis. Donc, pour en revenir à ma lecture, c'est ici que tous les éléments que je déteste et que je ne pourrai jamais valider arrivent. Je n'ai pas complètement changé d'avis mais je crois que je les redoutais tant qu'ils m'ont finalement moins gênée que ce à quoi je m'attendais et l'autrice n'étant pas sans talent, loin s'en faut, elle a su amener chaque chose comme il se doit. Mais il y a une autre raison pour laquelle je n'ai pas été aussi touchée que je l'aurais cru, c'est que plus les pages avançaient, plus je me désintéressais des personnages et de leur destinée et ça, ce n'est pas très positif. C'était comme se rendre compte que des personnes que l'on estime depuis longtemps ne sont finalement pas du tout celles que l'on croyait : une succession de déceptions. Mais le plus gros point noir, énorme même, reste tous ces discours moralisateurs qui m'ont donnée envie de m'arracher les cheveux : une femme doit toujours s'excuser en premier auprès de son mari, même si elle n'a pas tort, une femme doit prendre soin de ses parents avant d'avoir des ambitions pour elle-même, une femme ne doit pas écrire des histoires à sensation... Et j'en passe ! Je sais que quasiment aucune version française n'est complète et je trouvais cela effarant mais finalement, si ce sont ces passages que les éditeurs ont enlevé, je peux comprendre !"
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Et comment cela s'est-il fini ?
"Bref, la moralité de cette histoire est qu'une femme doit savoir rester à sa place, que seul l'amour et son foyer importent et que lorsqu'on est une garce égoïste, on finit toujours par obtenir tout ce que l'on veut. Finalement, c'est une histoire extrêmement réaliste et c'est bien ça le plus triste. D'ailleurs, à l'instant où j'écris ces mots, je me demande (et là j'extrapole complètement encore une fois) si le but de Louisa May Alcott n'était pas justement que tout cela nous révolte et non que nous trouvions ça mignon tout plein... À méditer."
Mlle Alice, merci, et à lundi prochain...
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